L'HISTOIRE DU PERSO
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Je me demande chaque jour pourquoi je suis encore vivante. J'aurais pu y laisser ma vie des milliers de fois, j'aurais pu mettre fin à mes jours des centaines de fois. Et pourtant, je suis toujours là, toujours vivante. Je me bats chaque jour pour vivre et avoir une place dans ce monde qui est désormais détruit.

Je n’ai jamais eu à me plaindre de ma vie. Je suis née à Chernivtsi, en Ukraine et j’y ai vécu pendant cinq ans. Nous avons ensuite déménagé aux Etats-Unis et plus précisément à Jacksonville en Floride pour le travail de mon père. C’est dans cette ville que j’ai construit ma vie. Mon enfance a été des plus banales. Mes parents me choyaient et savaient me donner tout l’amour dont j’avais besoin. Ils se sont rapidement faits amis avec un couple qui avait une petite fille du même âge que moi. Nous sommes très vite devenues amies et c’est en la côtoyant que j’ai appris à parler anglais. Stella. Elle était aussi blonde que j’étais brune. Nous avons grandi ensemble et sommes devenues les meilleures amies du monde.

Tout comme mon enfance, je n’ai pas eu à me plaindre de mon adolescence. Peut-être que mes parents ont eu du fil à retordre avec moi car je me montrais légèrement rebelle mais je n’ai jamais été dans les excès. Je voulais simplement changer le monde. J’étais révolté contre l’univers entier, la société, la politique… En y repensant de plus près, je dois avouer que je plains mes parents. La première année du lycée a été assez mouvementée et cela n’a pas été facile pour me calmer. Mais avec les années j’ai fini par grandir et murir et rentrer dans le droit chemin. Une fois diplômée, je suis allée à l’université pour suivre des études de commerce. Je ne dirais pas que c’est le métier qui me passionnait mais étant une grande pipelette qui ne passait généralement pas inaperçu, je savais qu’être commerciale m’irait comme un gant. Sauf que je n’ai jamais eu l’occasion d’exercer mon métier. Le monde a pris fin avant que je ne débute ma vie professionnelle.

Je me rappellerais toujours du moment où tout a basculé. J’étais rentrée chez mes parents pour le week-end et nous devions aller diner au restaurant le soir même. J’étais dans la salle de bain, lissant mes longs cheveux bruns lorsque j’entendis un cri retentir dehors. Un cri à glacer le sang, qui méritait qu’on aille voir à la fenêtre ce qu’il se passait. Mais je ne vis rien du tout. La rue était déserte et étrangement calme. Je restais tout de même quelques minutes à observer avant de me retourner et d’aller à nouveau dans la salle de bain. Je criais à mes parents que j’en avais encore pour cinq minutes avant qu’ils ne s’impatientent puis je descendais au salon. Pour la soirée, j’avais revêtue une belle robe de soirée noire en bustier. Alors que je mettais mes chaussures à talons, je cherchais mes parents du regard. Ils n’avaient pas répondu tout à l’heure lorsque je leur avais dit que j’en avais pour cinq minutes et voilà qu’ils n’étaient plus là. Les chaussures mises, je m’avançais dans le salon et jetais un coup d’œil dans la salle à manger. Rien. Personne. Je les appelais, aucune réponse. J’allais alors dans la cuisine lorsque j’entendis de drôles de bruits. Je m’arrêtais et tendis l’oreille. On aurait dit… on aurait dit des bruits de succion, presque dégoutant. J’avançais encore de quelques pas et découvrit par l’entrebâillement de la porte des pieds. Ceux de ma mère. Oh mon dieu, que c’était-il passé ? Etait-elle tombée ? Avait-elle eu une crise cardiaque ? Je me précipitais vers elle et m’arrêtait net en voyant mon père penchait sur elle. Non, non ce n’était pas possible, elle n’était pas… elle n’était pas… C’est alors que je pris conscience que mon père n’était pas penché sur elle en train de pleurer. Non, il tenait quelque chose dans ses mains, quelque chose de long, quelque chose… oh ! Quelle horreur… Oh mon dieu, quelle horreur ! Je plaçais mes deux mains devant la bouche, prise d’un haut le cœur. Je ne pouvais pas détacher mes yeux de la scène qui se déroulait devant moi. Mon père, l’homme de ma vie, était en train de manger l’intestin de ma mère… Je reculais sans m’en rendre compte et butté contre la table. Le choc fit tombé un verre à terre qui se brisa en milles morceaux alors que le bruit avait attiré mon père. Mais ce n’était plus lui. Ce teint… ces yeux, ce n’était plus lui. Alors qu’il se relevait, l’instinct prit le dessus et je sortais de la cuisine en courant, puis de la maison en criant à l’aide. Mais je n’étais pas la seule à courir pour échapper à mon agresseur. Dans la rue, c’était la panique totale. Je n’avais plus qu’une solution : courir et trouver un abri.

Pieds nus, la robe déchirée, j’arrivais chez la seule personne chez qui je pouvais me réfugier et que je considérais comme ma famille : Stella. J’avais peur de découvrir un spectacle encore plus macabre chez elle. Mais lorsque son père m’ouvrit la porte après que j’ai tambouriné comme une aliénée, je lui sautais dans les bras et finis en larmes. Il m’expliqua alors qu’ils partaient voir Stella qui était à l’hôpital. Je les suivais et découvrit avec bonheur que celle que je considérais comme ma sœur était bel et bien vivante. Elle et ses parents étaient désormais tout ce qu’il me restait. Quelques semaines plus tard, je me retrouvais au camp de Jacksonville avec ma meilleure amie et ses parents. J’avais bien compris que ce camp n’était pas provisoire et qu’il faudrait un jour ou l’autre se construire une nouvelle vie. Mais pour le moment, j’étais encore en deuil. Je pleurais souvent mes parents. Heureusement, Stella était toujours là pour me soutenir et nous passions énormément de temps ensemble. Je l’encourageais pour sa rééducation et elle me remontait le moral. Nous n’étions peut-être pas liées par le sang mais elle était pour moi une sœur, une jumelle de cœur.

Après plusieurs mois passés au camp, je commençais à sortir, à rencontrer les autres survivants. Et je fis la connaissance de Josh. Un jeune homme de mon âge avec qui je me suis disputé pour une simple histoire de tablette de chocolat. Chaque matin je le croisais et chaque matin il m’énervait. Mais le plus surprenant était que c’était devenu une habitude. Et un matin, il n’est pas venu. J’aurais dû être contente puisqu’il m’énervait au plus haut point. Sauf que je suis restée des heures à l’attendre m’inquiétant bêtement pour un crétin. Un crétin qui m’avait piégé et qui avait tout manigancé pour me prouver que malgré les apparences, j’étais attachée à lui. Ma colère dura deux jours avant que je ne consens à reparler à Josh. A partir de ce jour, nous nous voyons toute la journée, tissant une étroite amitié. Nous nous taquinions souvent et notre belle complicité finit par grandir. Et ce qui devait arriver, arriva. Notre belle amitié se transforma en quelque chose de plus fort. Josh faisait désormais parti de ma vie au même titre que Stella.
Un soir, je ne sais pas comment nous avons eu cette idée, peut-être que ne pouvions plus supporter d’être enfermés mais Josh et moi avions envie de sortir du camp. C’était stupide, je l’admets aujourd’hui. Mais quand il me l’a proposé, j’étais excité à cette idée. J’en ai parlé à Stella mais elle refusait catégoriquement de venir et me conseillait d’en faire de même. Mais j’étais têtue. Ce soir-là, Josh et moi sommes sortis du camp. Nous sommes allés jusqu’à une maison abandonnée. Si le coin était plutôt désert niveau zombies, nous étions tout de même sur nos gardes. Arrivée devant la vieille bâtisse, je reculais de quelques pas, prenant conscience que nous faisions une bêtise. Mais il insista et eut raison de moi. J'entrais à la suite de Josh, sur mes gardes. Nous entreprîmes de fouiller la maison. Josh voulait monter à l'étage pour fouiller les armoires et prendre des habits. Mais je n'étais pas rassurée et bien sur, il ne m'écouta pas. Je le suivais à l'étage et fouillait les armoires. Nous avions presque fini quand un grognement se fit entendre. Je vis ce qui avait été autrefois une femme dans le reflet du miroir se trouvant en face de moi. Je me retournais pour fuir mais elle fut plus rapide et se jeta sur moi. Josh me poussa à la dernière minute et tomba avec le monstre qui ne cessait de vouloir le mordre. Je paniquais et chercher un objet autour de moi pour assommer la femme. Mais un brisement de nuque retentit, et je compris qu'il avait réussi à s'en sortir. Je l'aidais à se relever et l'examiner de partout pour m'assurer qu'il n'avait pas été mordu mais il me repoussa violemment en me disant que ça allait, que je n'avais pas à m'inquiéter. C'était la première fois qu'il me repoussait ainsi. Je le dévisageais un instant avant de me retourner et de dévaler les escaliers pour sortir de cette maison. Je ne me retournais pas lorsqu'il m'appela jusqu'à ce qu'il me rattrape par le bras et m'oblige à lui faire face. Ce que j'ai lu dans ses yeux ce jour là, me transperça le coeur. L'angoisse, la panique, la honte, la colère, l'amour, le regret... Il me serra contre lui comme il ne l'avait jamais fait auparavant. Je me dégageais de son étreinte et le regardait à nouveau dans les yeux, le suppliant de parler, le suppliant de dire que tout aller bien. Mais j'avais compris et je me laissais finalement pleurer dans ses bras. Nous restâmes ainsi pendant plusieurs minutes avant qu'il ne me prenne par les bras pour me détacher de lui. C'est alors qu'il me demanda l'impossible. L'abandonner, le laisser là, le laisser devenir une de ces choses. Je le dévisageais avec horreur avant de lui dire non. Je criais, je hurlais que c'était impossible, qu'il reviendrait au camp, qu'il n'avait pas le choix. C'est surement la tristesse et la souffrance qu'il lu dans mes yeux qui ont fait que j'ai eu gain de cause. Il acquiesça et m'intima au calme me promettant de ne pas me quitter, de venir avec moi. Il essuya mes dernières larmes et main dans la main nous nous dirigeâmes vers le camp. Je ne sais pas pourquoi mais je me disais que si nous passions les barrières, s'il revenait au camp alors il serait en sécurité, alors il ne pourrait pas devenir une de ces choses. Comme si la menace n'était qu'extérieure...

Une fois arrivée, je l'entrainais immédiatement dans mes quartiers. Je l'examinais sans trouver trace de morsure. L'espoir commençait à m'envahir lorsque je découvris une éraflure dans son cou. Il avait été griffé. C'était si petit, si insignifiant et pourtant si grave. Je voulus toucher pour m'assurer que c'était réel mais il retint ma main et me fit non de la tête. J'aurais pu être contaminée à mon tour. Je levais les yeux vers lui tendit qu'il gardait ma main dans la sienne. Je plongeais mon regard dans le sien, encore lucide. Il dégagea une mèche de mes cheveux qui était tombé sur mon visage tout en me couvant du regard, avec tout l'amour du monde. Je savais que la transformation prenait une dizaine d'heure au maximum. Il s'en était déjà écoulé deux. Il ne lui restait plus que huit heures. Huit heures où je ne l'ai pas quitté d'une semelle. Plusieurs fois il me dit de partir avant qu'il ne soit trop tard pour que je puisse garder une image positive de lui. Mais je ne voulais pas, je voulais profiter de chaque seconde qui restait. Lorsque la fièvre monta, et qu'il commença à se sentir mal, nous quittâmes mes quartiers et nous nous cachâmes dans un coin du camp où personne ne nous trouverait. Deux autres heures passèrent durant lesquelles il devint plus brûlant. Après un long silence, Josh se tourna vers moi pour me parler.
"Tue moi Selena, tue moi... tant qu'il en est encore temps. Je ne te le demanderais pas si je pouvais le faire moi même"
"Il en est hors de question. C'est de la folie"
"C'est cette situation qui est de la folie. Tu aurais dû me laisser là bas... Je suis un danger, pour toi et pour les autres..."
"Non, ne dis pas ça" répliquais-je en lui jetant un regard sévère. "Je ferais ce qu'il faut, quand il faut..." Ajoutais-je, plus doucement. Il n'avait plus la force d'argumenter. Il ferma les yeux tandis que je frôlais son visage du bout des doigts. Il rouvrit les yeux deux heures plus tard, des yeux vitreux presque blancs.
"Selena..." lâcha-t-il dans un murmure.
Je savais. Je savais qu'il était l'heure. Je me retins de toutes mes forces de pleurer. Je me levais avec difficulté alors que je tremblais de partout et bientôt les larmes coulèrent malgré moi sur mes joues. Pourquoi, pourquoi m'enlevait-on ce que j'avais de plus cher au monde? Pourquoi? Les larmes ne cessaient de couler tandis que mon corps était secoué de sanglots. Je le vis murmurer du bout des lèvres qu’il m’aimait avant de fermer les yeux définitivement. Je devais l'empêcher de devenir un monstre. Mais comment ? Je n'y arriverais pas. Et soudain, ses yeux se ré ouvrirent. Des yeux qui ne lui appartenaient plus. Il se leva en grognant et s'apprêta à se jeter sur moi. Alors j'ai fuis. Je sortis de notre abris en courant, le libérant par la même dans le camp. La panique ne tarda pas à naître parmi les survivants tandis que ce qui avait été autrefois Josh, mordait, arrachait des bouts de chaires aux premières personnes qu'il croisait. Les gens couraient dans tous les sens, c'était la folie, et c'était ma faute. Les survivants courant dans tous les sens pour s'enfuir ne firent qu'empirer la situation et bientôt la barrière céda. Et le camp commença à être envahi de morts-vivants.

Je suis restée figée au milieu de tout ce brouhaha, comme si je n'appartenais plus à ce présent. Jusqu'à ce que quelqu'un m'empoigne le bras et me force à le suivre. Les militaires restant avaient réagi très vite et mis à disposition des véhicules pour s'enfuir. Il avait prévu le coup, au cas où. Mais ce qu'ils n'avaient pas prévu c'était l'émeute. Les gens se battaient pour monter dans les camionnettes, ils se marchaient dessus et en poussaient d'autres en pâture aux zombies. L'horreur. L'horreur causée par ma faute. Celui qui m’avait empoigné le bras c’était Mark, l’ami de Stella. Je les retrouvais donc et m’asseyait dans un fourgon avec ma meilleure amie. J’essayais de la rassurer en lui disant qu’elle allait revoir Mark, tout en essayant d’ignorer le poids de la culpabilité qui pesait sur mon cœur et mes épaules. Je n’avais pas prévu que le fourgon où Mark était monté se ferait attaquer et que Stella perdrait celui qui avait réussi à donner un sens à sa vie. Je venais de détruire la vie de centaines de gens et surtout, je venais de détruire celle de ma sœur de cœur. Lorsque Stella remonta à bord, je ne pus tenir le secret plus longtemps. Il fallait que je lui dise, il fallait qu’elle comprenne pourquoi j’avais fait cela et que je n’avais jamais eu l’intention de lui faire de mal. Mais je lui brisais le cœur. Après cela, elle m’ignora tout bonnement. Ce qui me brisa le cœur à mon tour. Mais après tout, je l’avais cherché, j’avais détruit et tué toutes les personnes à qui elle tenait. J’aurais encore préféré qu’elle me déteste, car la haine restait un sentiment, mais elle ne me regardait même plus…

Arrivé à l’autre camp, je commençais à m’isoler. Je ne parlais à presque personne et allait le plus souvent à l’extérieur. Je commençais alors à parcourir le pays, à apprendre à me servir des armes, à me défendre et à survivre par moi-même. Je revenais au camp seulement pour me reposer mais je ne supportais plus de vivre en communauté et de rester immobile. Voilà à quoi se résume ma vie aujourd’hui. J’aime passer mes nerfs sur ces satanés zombies qui ont tout détruit, cela m’empêche de me détester chaque jour un peu plus.